La Causette
De la "socialisation" à l'éducation à la citoyenneté
De la « socialisation » empirique à l’éducation à la citoyenneté, il convient de se donner les moyens de ses ambitions.
La Causette est un temps de parole institutionnalisé qui a bien d'autres enjeux que les "moments de langage" traditionnels. Le principe est emprunté aux Conseils d'Enfants de la pédagogie Freinet, évidemment adapté à la maturité psycho affective des enfants de 4 à 6 ans.
Il s'agit pour chaque enfant de construire son rapport au groupe, et de se construire comme personne sociale, de comprendre à travers une pratique réfléchie de la vie en commun les trois piliers qui fondent la citoyenneté :
le respect, la solidarité et la participation.
Comment ?
Il s'agit d'un moment ritualisé qui a lieu tous les matins après la récréation, et tient lieu de temps de parole.
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Les enfants qui souhaitent s'adresser au groupe à la causette écrivent leur prénom sur un petit papier qu'ils mettent dans la "boite aux lettres". C'est une des utilisations fonctionnelles de l'écrit dans la classe, et donc une bonne raison d'écrire son prénom chez les moyens par exemple.
Chaque jour, on sort les papiers et on les affiche. C'est ce qui nous sert d'ordre du jour. |
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Chacun d'eux, à son tour, prend la place " de l'enseignant", face au groupe, expose son propos et gère les prises de paroles des autres enfants : donne la parole à ceux qui lèvent la main, leur répond. |
Au début de chaque causette, les règles de prise de parole ont été rappelées :
On écoute celui qui parle
On demande la parole en levant la main
Il est interdit de se moquer
Les enfants s'approprient d'autant mieux ces règles qu'ils sont amenés à les rappeler eux-mêmes aux autres lorsqu'ils gèrent les échanges.
Ils construisent ainsi l'idée que les règles sont au service d'un bon fonctionnement du groupe, et non pas une brimade de la maîtresse contre leur égocentrisme parfois envahissant... ("Chut, Machin ça fait trois fois que je te le dis, tu ne laisses pas les autres parler !" Oui mais Machin attend que la maîtresse soit un peu comme maman, tout ouïe pour les choses si importantes qu'il a à dire. Or il ne s'attendra pas à ce que le copain agisse comme maman, là , pas de confusion possible, les pairs sont là pour lui rappeler qu'il a le même statut et les mêmes droits que les autres.)
Quelle progression ?
Dans une classe à plusieurs niveaux, la diversité des compétences des enfants permet de bien repérer plusieurs niveaux de participation.
- Pour les plus jeunes, il s'agit de comprendre et de s'emparer du dispositif en levant la main pour intervenir dans la discussion, parfois simplement pour répéter ce qu'un autre a dit (" Ils sont beaux, tes marrons" ). Il n'en s'agit pas moins d'une manière de prendre activement sa place dans le fonctionnement du groupe et dans l'espace de parole.
- Puis un jour, on apporte quelque chose à montrer ou à raconter : un billet de cinéma, de train, un bricolage fait au centre ou à la maison, une photo du petit frère qui vient de naître, quelque chose qu'on a trouvé mais ce n'est pas un marron et on se demande ce que c'est... On voit la richesse des échanges qui peuvent s'ensuivre pour peu que l'adulte, au début (et en levant la main!) , aide le groupe à rebondir.
Ce n'est donc plus l'enseignant qui apporte chaque jour le sujet de l'échange langagier, mais l'adulte apprend à s'appuyer sur les apports des enfants pour les "exploiter" (quel horrible terme, mais je ne trouve pas par quoi le remplacer) au maximum de leurs potentialités - langagières, culturelles, scientifiques, philosophiques.... bref, humaines. Les enfants construisent ainsi l'idée que le groupe s'enrichit des apports de chacun.
- Progressivement, les enfants vont enrichir et diversifier leurs interventions langagières et acquérir une attitude réflexive sur le déroulement des échanges. On entendra ainsi de plus en plus souvent :
"Tu peux parler plus fort, j'ai pas entendu",
"Tu peux répéter, j'ai pas compris",
"Tu peux expliquer, je sais pas ce que c'est ce que t'as dit"
- Enfin, le dispositif deviendra un lieu essentiel de régulation de la vie du groupe. Lorsqu'un enfant viendra se plaindre à l'adulte d'un conflit pendant une récréation, celui-ci conseillera : "il faudrait que tu en parles à la causette".
Quels gestes professionnels pour l'enseignant ?
Laisser cet espace de parole aux enfants et ne pas l'envahir de ses propres compétences langagières.
respecter les règles de prise de parole : lever la main pour intervenir
Repérer ce qui, dans les interventions, peut faire l'objet d'un échange riche, et intervenir pour guider l'échange dans ce sens
Repérer ce qui se rigidifie, se répète et ne progresse plus et intervenir pour modéliser d'autres formes de prise de parole : questionner, argumenter, modaliser "je suis d'accord", "je ne suis pas d'accord", " je me demande ", "j'aimerais bien"
Faire évoluer les causettes vers les conseils d'enfants en y incluant des moments de gestion de la vie du groupe (régulation de conflits, élaboration d'un affichage des règles de vie, proposition de bricolage ou d'histoires à lire....)
Rebondir sur certaines interventions pour en faire l'objet d'un travail de classe afin d'installer l'idée que la collectivité s'enrichit des apports de chacun.( v. les marrons sur le précieux site de Christine Lemoine "Maternailes")